1000 Acre Plateau : de cours d’eau déchainés en marécages…

(Attention, cet article est trèèès long, vous êtes prévenus…)

Nous voilà de retour d’un week-end de 3 jours. Le 6 février c’est en effet la fête nationale en Nouvelle-Zélande, ou encore Waitangi Day, qui commémore la signature du traité de Waitangi entre Maoris et Européens, garantissant le respect des terres maoris et leur accordant les mêmes droits qu’aux colons européens. Cependant, comme dit l’adage populaire – surtout en politique – les promesses n’engagent que ceux qui y croient et les Maoris y croyaient plus que les britanniques… Il a fallu attendre 1975 pour que le Traité de Waitangi soit légalement reconnu par tout un chacun. Mieux vaut tard que jamais…

En tout cas, nous étions bien contents de profiter d’un week-end prolongé ! La reprise est un peu dure aujourd’hui : les 3km de vélo et la volée de marche pour arriver au bureau sont autant d’épreuves et les grattements frénétiques à travers le jean rappellent que nos amies les sandflies ont également profité du week-end…

A l’origine, je pensais faire un tour dans le parc national de Nelson Lakes. C’est en regardant de plus près l’organisation la semaine dernière que je me suis rendu compte que le refuge se réservait à l’avance et qu’il était complet. Changement de programme et recherche d’autre chose : je finis par découvrir un coin un peu hors des sentiers battus dans Kahurangi National Park. Ca tombe bien, on ne connait pas encore ce secteur ! Par hasard, il se trouve qu’un de mes collègues se trouvait précisément à cet endroit dans la semaine car il travaille sur un projet de barrage là-bas, et il me donne quelques conseils pour gérer la traversée de rivière pendant la randonnée.

Petit plan

Petit plan

On décide une fois de plus de faire confiance à la météo qui annonce un temps mitigé le premier jour et beau les deux suivants. Jeudi soir, on sèche donc les entrainements de sélection pour l’équipe d’ultimate (pas bieeeen, surtout que ma place dans l’équipe 1 féminine n’est pas encore gagnée…) et on prend la route ! On affronte nos premiers embouteillages néo zélandais à la sortie de Christchurch (tout le monde part en week-end et les routes n’ont qu’une voie…) mais c’est pas non plus le périph’.

La pluie s’invite rapidement dès que l’on s’enfonce dans les montagnes (sur les sommets, c’est même de la neige qui tombe) et on est bien content d’arriver à notre camping gratuit pour la nuit. C’est un simple parking au bord d’une jolie cascade et en théorie il est réservé aux véhicules autonomes mais il y a des toilettes sur place donc on squatte sans scrupule. Il flotte toute la nuit et on se réveille sous les averses le matin un peu inquiet. Non pas par peur de marcher sous la pluie mais à cause de la traversée de rivière au début de la randonnée ; avec ce qui tombe, ça risque d’être coton… On prend le petit-dej à l’arrache dans la voiture, avec le thermos de thé encore chaud de la veille au soir (habile !) et on fait les derniers kilomètres qui nous sépare de Murchison où l’on s’arrête à ce qui tient lieu de point d’informations pour avoir des indications sur l’état de la rivière. Pas de miracle : on ne peut pas savoir avant d’y être et au pire, il faut attendre que le niveau descende. On fait donc les 16km de route sur la piste jusqu’au parking de départ de la rando.

Notre programme n’est pas figé. Il y a 3 refuges le long du sentier (tous les 3 heures de marche environ). L’idée est de dormir au deuxième ou au troisième le premier soir (selon l’heure et notre état), d’explorer les environs le deuxième jour, et de revenir à notre point de départ le dernier jour. Il faut aussi noter que ce sont des petits refuges (2 ou 4 couchettes), donc on a pris nos matelas en espérant ne pas avoir à s’en servir. (On prend toujours le risque de ne pas avoir de place, surtout que l’on n’a pas de tente, mais on compte aussi sur la compréhension des autres randonneurs si ça se goupille mal.) Il y a déjà une voiture au parking et une autre arrive juste derrière nous avec un couple de randonneurs d’une quarantaine d’année. Ils ont prévu le même programme que nous et ont une tente, c’est déjà ça.

Il est 10 heures du matin ; on s’équipe, et c’est parti pour trois jours !

Matiri river

Matiri river

On grappille quelques mûres sur le début du chemin : cette rando commence bien. Au bout d’une demi-heure, on atteint la West Branch Matiri River. Bien. On fait moins les malins. Il est très clair que c’est impossible de traverser à l’endroit normal. Le débit est beaucoup trop important.

Oui oui, en théorie il faut traverser là...

Oui oui, en théorie il faut traverser là…

On passe bien 45 minutes à tester le courant, à longer un peu la rivière pour trouver un endroit moins dangereux. Le deuxième couple galère aussi et je me demande s’il ne vaudrait pas mieux attendre quelques heures. Les sandflies se réjouiraient certainement de cette décision en plus ! Finalement, Victor décide de tenter le passage à un endroit assez large et un peu moins remuant. On a chacun pris notre paire de chaussures de sport légère en prévision de cette traversée car on n’avait pas l’intention de patauger 3 jours dans nos chaussures de randonnée. Sous l’œil inquiet du couple et le mien, il finit par traverser assez tranquillement les 15 mètres de largeur de la rivière. L’eau monte quand même au milieu des cuisses (sans compter les remous dus au courant). Malgré cette traversée, l’autre couple n’a pas l’air convaincu et part chercher encore plus haut une autre option. A mon tour de passer. Victor refait une traversée pour venir prendre mon sac. J’ai un gros blocage au milieu de la rivière au moment du passage délicat des rapides qui mouillent ma culotte (au sens propre hein !). Le courant est un peu trop fort et je maintiens difficilement mon équilibre. Victor fait donc une troisième traversée pour venir m’aider. C’est plus facile à deux. Pfiou, on est enfin tous les deux de l’autre côté.

La traversée, c'est fait ! reste à rejoindre le sentier...

La traversée, c’est fait ! reste à rejoindre le sentier…

Oui, sauf que ça ne veut pas dire que l’on est sorti d’affaire car on a maintenant environ 200 mètres à parcourir en longeant la rivière pour récupérer le sentier. Deux options pour rejoindre le sentier : le champ de ronces ou le lit de la rivière. On prend la deuxième option : sur le côté, le courant est moins fort donc c’est faisable.

Ce petit chemin, qui sent la noisette... Ce petit chemin, n'a ni queue ni tête...

Ce petit chemin, qui sent la noisette… Ce petit chemin, n’a ni queue ni tête…

Un dernier crapahutage pour escalader le rocher qui donne sur le sentier et ça y est, on peut continuer ! 1h30 pour traverser, pas mal… L’eau était très clairement au niveau limite pour pouvoir passer. Une belle expérience ! On rechausse les chaussures de randonnée et on peut attaquer la marche ! Un peu plus loin on atteint un panneau qui nous annonce qui suite à des éboulements (un major slip, haha) le sentier est compliqué d’accès. Encore un petit moment de galère qui nous prend un peu de temps et d’énergie mais on finit par passer.

Major slip !!

Major slip !!

Crapahutage

Crapahutage

Petite pause pique-nique pour reprendre des forces et on atteint la première hutte au bout de 4 heures (au lieu de 3 annoncées, mais vu le temps perdu à la rivière, c’est logique). Une dame d’une soixantaine d’année y attend 3 personnes : 2 hommes et un enfant (que l’on appellera désormais le « groupe de 4 »!) qui doivent la rejoindre et on se demande sincèrement comment le gamin va pouvoir traverser la rivière… On continue notre route et on attaque le dénivelé dans les bois moussus.

Forêt humide

Forêt humide

L’avantage de monter c’est que petit à petit, les guêpes et les sandflies se font moins nombreuses. Au bout de 2h30, on atteint le « 1000 acre plateau » et on voit Poor Pete’s Hut qui nous attend ! A 17h, on arrive au refuge : il n’y a que nous, youpi, on s’installe donc sur les 2 seules couchettes disponibles.

Poor Pete's Hut !

Poor Pete’s Hut !

C'est cosy...

C’est cosy…

C’est un refuge basique, plus un bivouac qu’un refuge d’ailleurs, mais il est tout neuf (il a été remplacé en 2012) et il est bien sympathique avec une vue imprenable sur la mer de tussocks du plateau. On n’a pas marché tant que ça (12 km) mais les quelques passages éprouvants nous ont bien fatigués et on décide de ne pas rallonger jusqu’au refuge suivant (surtout maintenant qu’on est sûr d’avoir de la place) !

Y'a même une véranda !

Y’a même une véranda !

Les averses recommencent pile à notre arrivée ; timing parfait. Petit thé et petit time-lapse pour se requinquer et vers 18h30, on voit le couple du matin arriver, visiblement épuisé. Le passage de la rivière et surtout la montée les ont bien malmenés ! On hallucine de voir la quantité de matériel qu’ils ont porté (3 cartouches de gaz dont deux à moitié vides, 3 casseroles…). Nous on tâche de limiter au max le poids de nos sacs tant cela peut compliquer la marche (on a donné au Mont-Blanc…) ; notre seul luxe c’était la paire de chaussures en plus et l’appareil photo avec l’objectif grand angle qui pèse un âne mort. Un peu avant 20h on se prépare notre dîner : soupe, polenta, thé chai et gâteaux, un vrai repas de guerriers.

Sur les coups de 20h30, on voit arriver la dame du premier refuge avec les 2 hommes et le gosse d’une douzaine d’année qui porte un gros sac de rando comme les autres… Chapeau ! Ils ont du passer la rivière 1h30 ou 2 heures après nous et apparemment le niveau avait déjà bien baissé. Plus de place dans le refuge, d’autant plus que l’autre couple va également dormir à l’intérieur en s’installant au sol (car ça caille dur dehors), donc ils montent leur tente. Peu après 22h, tout le monde dort.

Jour 1 en version topographique

Jour 1 en version topographique

Samedi matin, réveil à 7h. Je jette un œil ensommeillé à travers la fenêtre pour voir le soleil se lever. La journée s’annonce superbe ! Echaudés par leur journée de la veille, le couple de quarantenaires préfère redescendre vers le premier refuge. De notre côté, on décide de copier sur le programme du groupe de 4 et de laisser nos affaires à la hut pour traverser le « 1000 acre plateau » et monter un sommet appelé « the Needle » (l’aiguille). Comme ça on porte seulement les affaires de la journée et en plus on est sûr d’avoir un lit confortable le soir (combo !). On décolle peu après 8h pour un peu plus de 9h de marche annoncé. Après une petite montée qui nous donne une vue dégagée sur the Needle et the Haystack, ainsi que sur le « 100 acre plateau » (un deuxième plateau situé plus haut), on entame notre traversée du plateau qui est en fait un vaste marécage avec des mares dissimulées un peu partout au milieu des tussocks (en français c’est tussack, mais vous voudrez bien me pardonner cet anglicisme !). Le paysage est très beau et on tâche d’en profiter quand on n’a pas le nez sur nos pieds pour éviter de trop patauger.

Lumière matinale

Lumière matinale

1000 acre plateau

1000 acre plateau

Réflection matinale

Réflection matinale

Boggy boggy boggy

Boggy boggy boggy

100 acre plateau et the Needle

100 acre plateau et the Needle

Après un passage humide dans un petit bois, on atteint Larrikin hut au bout de 3 heures. Le refuge est au pied du Haystack et on y fait une petite pause, rapidement rejoint par le groupe de 4. On croise aussi deux autres dames qui nous apprennent que les 2 plateaux (le « 1000 acres » et le « 100 acres ») sont les endroits les plus vieux du pays : ce sont en fait d’anciens lits océaniques qui se sont élevés jusque là (on peut même dégotter des fossiles apparemment).

Petite oasis en pied de falaise

Petite oasis en pied de falaise

On entame désormais l’ascension vers the Needle ; le début du chemin est tracé, mais ensuite il faut se débrouiller. Je galère sérieusement dans la pente. Je n’ai pas le vertige, mais je n’ai pas du tout le pied sûr dans la pente en dévers. Pour compléter le tableau, au milieu des tussocks se dissimulent vicieusement des « speargrass » (aucune idée de la traduction française, ce sont des espèces de bouquets d’herbes coupantes qui me détruisent les jambes ; j’ai beau remettre le legging sous le short, ça coupe quand même cette saloperie !). J’atteins tant bien que mal le col entre les deux sommets et on se pose pour déjeuner avec une vue sublime autour de nous.

Plateaux et vallée

Plateaux et vallée

L'Aiguille !

L’Aiguille !

Presque arrivés au col

Presque arrivés au col

Je suis au moins arrivée jusque là...

Wouhou !

Sur la crête

Sur la crête

Après un moment d’hésitation, le groupe de 4 décide de continuer jusqu’au sommet. De mon côté, je prends le parti de ne pas y aller. C’est décevant mais je ne me sens pas capable de redescendre l’ensemble (c’est pas la montée le problème…) et d’enchainer sur les 3 heures de marche retour dans la boue. Avec Victor on observe donc les 4 randonneurs (ouais, je suis donc moins à l’aise qu’un gosse de 12 ans et une dame de 60 ans, un peu d’humilité de temps en temps ça fait du bien, et là je suis bien obligée de ravaler ma fierté…). On les voit atteindre le sommet en un peu moins de 40 minutes et Victor ne tient plus en place tellement il est déçu de ne pas y aller. Il finit par se décider, laisse toutes ses affaires sur place et pique un sprint vers le sommet tandis que je l’attends au col. De mon côté je continue à me régaler du panorama et à jeter des coups d’œil régulier pour suivre sa progression vers le sommet. A un moment je lève les yeux et je le vois en train de contourner un flanc de falaise à pic… En fait je préfère ne pas regarder… Il arrive au sommet en 20 minutes, pas mal !

Au sommet !

Au sommet !

Panorama depuis the Needle

Panorama depuis the Needle

De mon côté j’entame la descente, miam miam. Pas trop de repère quant au meilleur chemin et je me retrouve donc à descendre une pente horrible à un endroit galère (Victor avait la topo de notre chemin à l’aller et j’aurais mieux fait de l’attendre, mais connaissant mon rythme, j’ai préféré prendre de l’avance). Ca y est, le plus dur est passé et Victor me rejoint, ravi de son ascension éclair. On fait une petite pause au bord d’un ruisseau avec option pieds dans l’eau et rinçage des multiples coupures.

Pause pieds dans l'eau

Pause pieds dans l’eau

Larrikin Hut

Larrikin Hut

Puis c’est le chemin retour. Le groupe de 4 nous trace (tiens mon ego, prends toi ça en plus…) et on patauge gaiement dans la boue pendant 7km jusqu’au refuge. La lumière de fin de journée est superbe et on voit le paysage différemment.

Boggy land, le retour !

Boggy land, le retour !

Une dernière descente et on y est !

Une dernière descente et on y est !

Poor Pete's hut sur son plateau

Poor Pete’s hut sur son plateau

On arrive un peu après 18h, fourbus et affamés (à peine les chaussures enlevées, j’engloutis 3 tranches de pain avec du fromage en guise d’apéro)… Le menu du dîner est à nouveau gastronomique avec soupe, nouilles instantanées, chocolat chaud et gâteaux. Ce qui compte c’est de ne plus avoir faim après. On ne fait pas long feu après ça…

Jour 2 sur plan topo

Jour 2 sur plan topo

Dimanche matin, Victor me réveille vers 6h30 pour voir la brume se lever et le plateau changer de couleur sous les premiers rayons du soleil.

Sunrise

Sunrise

On décolle vers 8h pour le trajet retour. On profite du paysage, des oiseaux qui volettent autour de nous dans les bois et du lookout sur le lac Matiri qu’on avait raté à la montée.

Perdu dans une mer de tussocks

Perdu dans une mer de tussocks

Lac Matiri (formé en 1929 par un tremblement de terre...)

Lac Matiri (formé en 1929 par un tremblement de terre…)

Comme ça grimpait raide à l’aller, et bien ça descend raide sur les racines et les feuilles glissantes. Au bout de quelques heures de marche on arrive à l’endroit « tricky » des éboulements, et là, oh soulagement, le niveau d’eau est beaucoup moins haut (y’a bien 1m50 de moins !) et le passage se fait sans problème ni crapahutage.

Repérage

Repérage

Encore un peu de marche et voilà la West Branch Matiri river. Ca n’a RIEN à voir… On passe sans aucun problème et sans détour avec de l’eau au genou au max et un courant très faible.

Les doigts dans le nez la traversée !

Les doigts dans le nez la traversée !

Avant/Après, l'angle n'est pas le même mais la croix rouge repère le même caillou.

Avant/Après, l’angle n’est pas le même mais la croix repère le même caillou.

Tranquillou

Tranquillou

Du coup, on se goinfre de mûres en guise d’apéritif et un peu avant d’arriver à la voiture on fait une pause pique-nique au bord de la Matiri river, bien plus engageante que 2 jours plus tôt…

Nom nom

Nom nom

Matiri river valley

Matiri river valley

Et pour le pique-nique y'a du saucisson !!! (Il a coûté un bras mais c'est du vrai :-D)

Et pour le pique-nique y’a du saucisson !!! (Il a coûté un bras mais c’est du vrai :-D)

Au final, on met moins de 5h30 à faire un trajet qui nous avait pris 7h la première journée. Avant de faire la route un peu longue (mais tellement belle !) qui nous sépare de Christchurch, on fait une halte à Murchison où l’on déguste une glace au soleil.

Lewis Pass sur la route du retour

Lewis Pass sur la route du retour

Un week-end riche en émotions diverses se termine !

 

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2 réponses

  1. Cécile dit :

    Quelle aventure ! Heureusement que vous aviez eu un petit entrainement de traversée de rivière en Islande 🙂

  2. estelle dit :

    Haha oui. C’est marrant parce que quand t’es concentré sur ta traversée pour pas te faire renverser par le courant, tu prêtes aucune attention à la température de l’eau ! Et sinon on veut des news et des photos du Chili 🙂 !!

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