En passant par la moraine (2) : Holiday on ice
Mardi 15 août : Réveil matinal à nouveau pour remonter le glacier de Pièce jusqu’à la cabane des Vignettes, incroyablement bien située. Le glacier de Pièce est peu dangereux, mais on croise quand même de drôles de cordées (c’est d’ailleurs le passage où nous croiserons le plus d’alpinistes). Une de 8 personnes encordées ensemble et une famille de 3 avec une ado, sans baudrier, avec juste la corde attachée autour de la taille. Du grand n’importe quoi (et je ne parle pas de l’absence de casque, quasi jamais porté par toutes les cordées croisées).
En tout cas, nous arrivons à la cabane des Vignettes vers 9h30. Il n’y a personne à part les gardiens. Cette cabane est accessible uniquement aux alpinistes et non aux randonneurs car elle est cernée de toute part par les glaciers. Elle offre une vue époustouflante sur les sommets de la frontière italo-suisse et sur la deuxième partie de notre itinéraire du jour : la montée au col de l’Evêque. Celle-ci est relativement sans histoire jusqu’en haut du col de l’Evêque où quelques crevasses de taille font leur apparition.
La descente sur l’autre versant, qui marque pour quelques centaines de mètres notre passage en Italie, débute par une zone très crevassée et pas franchement rassurante où Pascal, notre valeureux premier de cordée finira dans une crevasse jusqu’aux fesses. Il ne nous laissera cependant pas l’occasion de tester la technique de mouflage en s’extirpant comme un grand du joli trou. On sort du glacier sur les coups de 15h et on peut prendre notre premier repas depuis le petit-déjeuner de 4h30…
Notre objectif du jour est visible depuis un moment : on devine le refuge des Bouquetins sur le pierrier qui nous fait face. Mais pour l’atteindre, il nous faut descendre une moraine (beurk) puis traverser le haut glacier d’Arolla (celui-ci ne nécessite même pas de s’encorder car il est plat et les quelques petites crevasses sont bien visibles). Vers 17h, nous sommes au pied d’un nouveau pierrier et nous loupons le discret sentier ce qui nous permet de grimper directement dans la pente raide d’éboulis. J’adore ça. Enfin, nous arrivons au refuge des Bouquetins. L’orage gronde et rapidement la pluie se met à tomber. Nous sommes une nouvelle fois arrivés juste à temps. Le refuge est gardé par un Valaisan très gentil et ses deux jeunes enfants. Ils occupent une petite cabane à côté du refuge des alpinistes où nous serons seuls. Il nous apporte une grande théière d’eau bouillante et nous nous faisons un thé, ravis d’être au chaud pour la soirée et de ne pas monter le camp.
Nous étudions longuement notre itinéraire du lendemain avant d’arrêter notre choix sur une nouvelle incursion en Italie par le col du Mont-Brûlé.
Mercredi 16 août : Réveil matinal encore une fois. C’est agréable d’être au chaud pour prendre le petit-déjeuner ! Ce matin, après avoir remonté le haut glacier d’Arolla, nous nous attaquons donc au col du Mont-Brûlé : un col raide et pierreux où nous avançons prudemment pour éviter les chutes de pierre.
De l’autre côté du col se dévoile le haut glacier du Tsa de Tsan que nous allons traverser dans toute sa longueur.
Nous savons qu’il est crevassé mais, comme il est très sec, les crevasses sont bien visibles et Pascal nous guide avec expertise dans ce dédale glaciaire.
S’ensuit un faux plat redoutable qui nous ôte pas mal de force, sans compter que Pascal doit en plus faire la trace dans la neige relativement fraîche. Finalement, la pente s’accentue, la traitrise des crevasses aussi.
Victor en tant que dernier de cordée découvre la joie de passer le dernier sur les ponts de neige (ça passe, ça passe, ça paaaasse… ah non, ça passait plus). On s’engueule tous joyeusement sur la tension de la corde (“Mais je t’ai dit sec, je passe sur la crevasse !” /“Mais fais gaffe, tu marches encore sur la corde !” “Sérieux mais tu peux pas garder la corde tendue, tu me fais marcher sur la corde !!”).
Malgré cela, nous finissons par arriver au col de Valpelline (3554m d’altitude) où le panorama nous cloue tous le bec. Le Cervin tant attendu découpe son profil si distinctif tandis qu’à sa droite et à sa gauche la Dent d’Hérens et la Dent Blanche montrent chacune leur plus beau profil pour tenter de faire bonne figure à côté du maître des lieux.
On prend le temps de savourer la vue, mais pas trop non plus car nous savons que la descente du glacier du Stockji ne doit pas être trop tardive. Heureusement, nous avons retrouvé des traces qui nous permettent de nous orienter plus facilement dans le dédale d’énormes crevasses.
Pascal tâte du pont de neige et Victor paye les pots cassés en passant en quatrième. On traverse des ponts de glace sans regarder en bas : les crevasses sans fond sont très impressionantes. Je suis bien contente de finalement sortir de la zone à risque. Nous voilà sur les flancs du Stockji, on peut ôter les crampons, se désencorder et déjeuner à 15h après déjà 9h de marche. On profite de la vue et du soleil, on se détend un peu et on se repose.
Après tout, on a fait le plus dur. Haha, la bonne blague. En fait non. Car désormais on suit quelques cairns qui se perdent dans la pierraille et nous perdons 45 minutes à donner des avis divergents sur l’itinéraire à suivre. Finalement, nous finissons par retrouver le bon sentier et trouver la fameuse cheminée indiquée dans notre guide, à descendre à l’aide d’une corde fixe. Ca nous donne le droit d’accéder à la moraine.
Commence alors un enfer de chemin morainique qui nous fait faire des hauts et des bas (et mon moral suit le même chemin), jusqu’à nous faire traverser le bas de la langue glaciaire du Stockji pour remonter sur un flanc de moraine en glace noire : un cauchemar absolu pour mes nerfs en cette longue fin de journée. Pascal a depuis longtemps pris un raccourci et nous retrouve en bas d’une petite falaise équipée d’une corde fixe.
Nous sommes presque à notre point de chute pour la nuit. « Presque » car le chouette emplacement que nous trouvons est tout près de la cabane de Schönbiel qui nous refuse le bivouac malgré nos mines harassées (coucou l’empathie suisse allemande). Il est 18h30, nous nous sommes levés à 4h30 ce matin et marchons depuis 5h30 et je ne sais pas par quel miracle nous tenons encore debout. Vaillamment, nous retournons chercher nos sacs et reprenons la route, sous les regards un peu étonnés des randonneurs et alpinistes en train de dîner et sous celui un peu désolé de l’aide du gardien qui voulait nous laisser camper à côté. Au final, on ne va pas bien loin. Après environ 20 minutes on se trouve un coin discret, non repérable depuis la cabane et montons le camp.
On a encore assez de force pour s’émerveiller devant le spectacle du coucher de soleil sur le Cervin.
Notre plan initial pour le lendemain était de passer un col assez difficile pour rejoindre le Val d’Anniviers et de là entreprendre l’ascension du Bishorn, mais la fatigue accumulée, la tendinite de Victor et les conditions pas idéales des glaciers nous font d’un commun accord renoncer à ce plan.
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