Randonnée solo à Nelson Lakes
Ici nous jonglons entre l’automne et l’été. On passe de la pluie non stop avec 13°C au thermomètre à de belles journées estivales sous 28°C.
Et moi dans tout ça je suis en vacances longue durée puisque mon contrat s’est terminé au 31 décembre. Du coup, il y a deux semaines j’avais décidé de tenter ma première expérience de randonnée solo pendant cinq jours. Direction Nelson Lakes National Park, un endroit où nous n’avons pas encore trainé nos guêtres jusqu’à présent. La météo annonce de la pluie pour les trois derniers jours, mais je saisis quand même l’occasion et prends la route le dimanche soir. Nuit en camping dans la voiture (c’est le grand luxe toute cette place !) et je finis la route le lendemain matin en arrivant à 10h à Saint-Arnaud, le lieu de départ du Travers-Sabine Circuit, au bord du lac Rotoiti.
J’ai réservé un “water taxi” à 10h30 pour gagner quelques heures de marche le long du lac et mon périple commence à 10h45 une fois débarquée sur la terre ferme. J’arrive dix minutes plus tard à Lakehead Hut, le premier refuge du parcours et ne m’y arrête que quelques minutes, le temps de laisser mes intentions dans le livre prévu à cet effet.
Ensuite c’est parti. Le sac est un peu lourd mais la journée ne s’annonce pas trop dure, bien qu’un peu longue avec 22km au programme. Je suis la Travers River qui m’emmène jusqu’à John Tait Hut en 3h30, après une pause déjeuner au milieu des sandflies. Je double quelques personnes sur le chemin donc tout va bien, je ne serai pas seule sur le sentier Je fais une petite pause au refuge et discute un peu avec ses occupants que je recroiserai plusieurs fois.
Puis je reprends mon chemin pour la deuxième étape de la journée et un peu de dénivelé. J’arrive à Upper Travers Hut sur les coups de 17h30 et suis la première. J’en profite pour aller me rafraichir à la rivière.
Au final, nous serons neuf dans le refuge ce soir là. La majorité des randonneurs (un belge, un couple d’australiens, et trois américaines d’un certain âge) sont engagés sur le Te Araroa : le sentier de randonnée longue distance de Nouvelle-Zélande qui travers le pays du nord au sud dans son intégralité. A part le belge qui a déjà fait toute l’Ile du Nord, les autres ont commencé quinze jours avant le chemin, depuis le nord de l’Ile du Sud. Deux étapes du Travers-Sabine Circuit sont communes avec le Te Araroa (l’étape du lendemain est d’ailleurs censée être parmi les plus belles). L’ambiance est très sympa et la soirée se passe agréablement à discuter avec un peu tout le monde.
Mardi 12 janvier, le réveil sonne tôt. J’ai prévu de faire une grosse journée pour pouvoir dormir à Blue Lake Hut et profiter de ce qui est censé être la dernière journée de beau temps de la semaine pour voir le Blue lake sous le soleil. D’après les indications du DOC (Department of Conservation), ma journée ferait entre 9 et 13 heures de marche, soit… Au réveil, la vue est dans le brouillard et ne doit se lever que dans la matinée donc je prends tout de même mon temps afin d’avoir un peu de visibilité lors de ma traversée matinale de Travers Saddle.
La montée au col marque la première partie de la journée et après une heure de marche, je suis en haut et peut profiter d’une jolie vue sur le sommet des crêtes entre les langues de brouillard.
J’attends un peu que les nuages se dégagent sur la Sabine Valley, mais sans succès et j’entame donc la descente que j’appréhende un peu. En effet, le petit cadeau du jour c’est 1000m de descente dont une bonne partie très raide et dans un pierrier (et non pas dans un perrier comme le correcteur orthographique semble vouloir me faire écrire).
Finalement, ça se passe plutôt bien et une fois dans la forêt je profite d’une rencontre avec trois ou quatre fantails et d’autres petits piafs non identifiés.
J’arrive à West Sabine Hut en 4h15 au lieu des 6h minimum annoncées par le DOC. Je suis plus sereine par rapport à mon objectif du jour. En tout cas c’est l’heure de la pause déjeuner. Je retrouve le couple d’australiens et le belge. Ce dernier s’est décidé à faire une journée hyper longue en enchainant avec l’une des étapes les plus dures du Te Araroa : le Waiau Pass, au delà de Blue Lake. En effet, la météo s’annonçant mauvaise (forte pluie) le lendemain, il se retrouverait coincé à Blue Lake Hut avec peu de rab de nourriture; il opte donc pour l’option “warrior” (nota : si on se fie aux temps de marche indicatif du DOC, c’est minimum 18h de marche. / nota bis : les temps minimaux du DOC sont généralement largement surestimés – sauf pour Cascade Saddle :p).
Après une bonne pause, je repars vers Blue Lake. La majorité des randonneurs font cette excursion à la journée depuis West Sabine Hut, où j’ai déjeuné. Mais Blue Lake étant l’endroit qui m’a poussée à faire cette randonnée, avoir l’opportunité de dormir là-haut me semble mieux. Le chemin est agréable.
7km plus loin, 500m plus haut et 2h30 plus tard me voilà devant Blue Lake Hut où je retrouve une nouvelle fois mon pote belge qui poursuit son étape sans fin.
Je suis un peu fatiguée (la dernière partie de la montée était un peu rude), mais je cours quand même voir Blue Lake, à 100m du refuge : une des merveilles naturelles du pays. Ce lac est la source d’eau la plus claire au monde : avec une visibilité de 70 à 80m, elle s’approche de la visibilité maximum théorique de l’eau distillée qui est de 80m. Et en vrai, ça donne quoi ?
Après m’être régalée du spectacle, je rentre à la hut me faire un cappucino. Je croise un couple qui s’apprête à redescendre sur West Sabine Hut et me fait un peu peur en parlant des grosses pluies annoncées le lendemain qui peuvent bloquer les randonneurs à Blue Lake Hut. Mais la journée est superbe pour le moment et j’ai envie de profiter du coin et de monter jusqu’au lac Constance, encore un peu plus haut. Je prends donc le risque de rester en me disant qu’en partant tôt, je pourrais éviter d’avoir les ruisseaux trop gonflés par la pluie. Je repars donc pour une promenade jusqu’au lac Constance. Le cadeau, c’est cette vue sublime sur Blue Lake.
Puis encore un peu plus haut et plus loin, le lac Constance se découvre derrière un champ de roches. C’est l’eau du lac Constance, filtrée lors de sa descente 200m plus bas qui créé la caractéristique unique de Blue Lake.
J’envisage la baignade mais ayant la flemme de descendre jusqu’au lac je reste plutôt à me promener autour, avant de retourner au refuge. Nous ne serons que quatre au final : deux dames qui font le Te Araroa et viennent de traverser le Waiau Pass et un mec un peu chelou qui ne décrochera pas un mot. Tout le monde est couché à 20h30 et de mon côté, je retourne voir le lac dans la lumière du soir avant d’aller bouquiner tranquillement.
Mercredi 13 janvier, le réveil sonne à 7h et il ne pleut pas encore : chouette ! Le temps de prendre mon petit-déjeuner, de ranger mes affaires et de faire un dernier tour à Blue Lake pour tenter d’apercevoir -sans succès- des whios (une espèce de canards, rare et endémique), je suis en route à 8h. J’ai de la chance : à part quelques gouttes, il ne pleut pas vraiment et la grosse pluie annoncée ne tombera finalement pas.
J’ai quand même accéléré le rythme au cas où et suis de retour à West Sabine Hut au bout de 2h10. Je croise un français qui fait le Te Araroa ce qui donne lieu à un échange assez improbable :
“Oh, tu es français ? Et tu fais le Te Araroa ? Ah, mais tu t’appelles François alors !”
Le regard qu’il me décroche à ce moment là vaut tout l’or du monde. En réalité, les 3 américaines m’avaient parlé de lui et du coup je connaissais son prénom. C’était très drôle. Après ma rencontre avec François le français, je poursuis ma journée de marche pour une étape de 15km dans la forêt.Sur le papier, ça ne semble pas fou. En vrai ça ne l’est pas non plus… Je m’ennuie sérieusement pendant les quatre heures de marche. Je sors la carte topographique régulièrement et c’est encore plus déprimant quand je réalise que je ne suis pas aussi loin que ce que je pensais dix minutes avant.
Et puis la forêt pulule de guêpes dont le bourdonnement créé un bruit de fond pénible. La partie la plus intéressante de cette étape est le pont qui passe au dessus de la Sabine Gorge.
Et le panneau qui annonce Sabine Hut à 30 minutes de marche. Moi qui pensais y être en 20 minutes en tenant compte de l’habituelle surestimation du DOC, je viens de tomber sur l’un des seuls panneaux qui sous-estime le temps de marche. 35 minutes plus tard, je pousse enfin la porte de Sabine Hut, au bord du lac Rotoroa.
Le refuge est grand et il y a déjà pas mal de monde. Il est 14h30 et j’ai hyper faim. La pause déjeuner est la bienvenue et je me décide à poursuivre jusqu’au refuge suivant. Speargrass Hut est 9,5km plus loin et il y a 500m de denivelé positif mais la longue pause me permet de me remettre en jambes et surtout, en dormant à Speargrass, j’ai plus d’options pour mon itinéraire du quatrième jour. Je prends quelques photos du lac Rotoroa avant de partir. C’est très joli mais c’est aussi infesté de guêpes et de sandflies et je quitte le refuge sans trop de regret.
Le début est une montée sympathique mais pas aussi méchante que ce que m’avait annoncé un français au refuge. J’ai l’intention d’en finir vite et donc je m’autorise mentalement à m’arrêter seulement en haut de la montée pour une pause boisson. Surprise : une fois arrivée aux petits étangs qui marquent la fin de cette première montée, ma gourde est tombée quelque part en chemin et je n’ai pas d’eau.
Un coup d’oeil à la carte me permet de voir que je dois croiser une rivière quelques kilomètres plus loin. Les quarante minutes paraissent longues avec la soif, mais j’arrive enfin au cours d’eau, qui marque à peu près la moitié de l’étape. La fin du chemin, quoique longuette après cette journée presque entièrement dans la forêt, est relativement facile. Il se met à bruiner mais en contrepartie, j’ai le droit à un joli chemin en bois sur 500m.
J’en suis réduite à chanter “1km à pied” et autre chanson du même style pour garder mon rythme. Finalement, une clairière apparait dans la brume et enfin, ENFIN, le refuge est devant moi ! Il est 19h, je viens de marcher 32 bornes, et j’en ai plein les pattes !
Le refuge est plus petit que Sabine Hut avec 12 lits seulement mais il reste quelques couchettes. Je retombe sur le couple d’australiens et les autres occupants ouvrent des yeux comme des soucoupes quand je leur dis que j’arrive de Blue Lake Hut. C’était une grosse journée, mais ça me laisse libre de monter à Angelus Lake le lendemain, d’autant plus que les prévisions météo se sont améliorées et qu’à part quelques averses, il ne devrait pas trop pleuvoir.
Jeudi 14 janvier : à nouveau une longue journée si l’on se fie aux estimations du DOC, mais je m’en méfie maintenant… Je pars vers 8h, dans les nuages et bien qu’il bruine seulement un tout petit peu, je suis trempée en 5 minutes grâce aux herbes aussi hautes que moi qui sont gorgées d’humidité.
Le truc c’est que quand tu marches toute seule, ça ne sert pas à grand chose de se plaindre ou de râler vu qu’il n’y a personne sur qui passer ta mauvaise humeur. Je jure donc intérieurement (et extérieurement quelques fois quand même, parce que c’est sacrément pénible ces premières heures). L’avantage c’est qu’au moment où mes pieds commencent à nager dans mes pompes gorgées d’eau, je n’ai plus besoin d’étudier la meilleure manière pour traverser les cours d’eau. Suffit de traverser au milieu.
Accessoirement aussi, je suis bien crevée de ma journée de la veille et heureusement que le denivelé n’est pas trop violent (700m sur 5,3km) parce que les mollets tirent bien ce matin. Du coup je marche lentement. Et je fais une pause de 30 minutes au sommet de la crête, à l’endroit où le lac Angelus apparait. Au début il n’est pas vraiment visible, pris dans des volutes de nuages, mais avec un peu de patience, une vue superbe se dévoile et je profite de ma pause pour mettre des vêtements secs.
Quand mes doigts engourdis par le vent froid commencent à ne plus vouloir appuyer sur le déclencheur de l’appareil photo, je descends sur la hut et vais me préparer un café bien chaud. (Nota : Même en marchant lentement et en faisant une pause de 30 minutes, je suis toujours plus rapide que les estimations du DOC, pour dire à quel point c’est faussé dans certains cas…). Le refuge, qui peut loger 28 personnes est immense, tout neuf, et situé dans un vrai petit coin de paradis. J’y croise deux groupes d’israëliens qui ont dormi sur place et trois allemands qui font comme moi l’excursion à la journée. Etant donné sa popularité, ce refuge se réserve. En tout cas, moi j’en profite au calme et au milieu d’un ciel changeant mais qui laisse une vue bien dégagée.
Après une escale de deux heures sur place où je peux faire sécher un peu mes vêtements, prendre plein de photos et déjeuner, je me décide à descendre par Cascade track. J’ai un peu hésité car plusieurs personnes m’ont signalé que le chemin était très raide au début, et dans un pierrier. Mais il fait beau et sec, donc ça devrait bien se passer. Effectivement, c’est raide et ça roule un peu sous les pieds, mais une fois encore, ce n’est pas pire que cette foutue descente dans la moraine du Dart glacier.
Et puis, comme son nom l’indique, le chemin suit une jolie série de cascades avant de rentrer dans les bois où il longe un joli ruisseau. Le sentier est très agréable et désert.
Je finis par rejoindre la Travers Valley où je fais le détour jusqu’au pont suspendu qui évite de traverser la Travers River. Les deux derniers kilomètres jusqu’à Lakehead Hut me paraissent d’autant plus interminables que le refuge est en vue mais semble ne jamais se rapprocher. Mais à 17h, je peux enfin mettre mes chaussures à sécher au soleil.
J’ai marché un peu plus de 90km en quatre jours, ça mérite une fin d’après-midi à bouquiner dans le refuge à l’abri des sandflies ! Le refuge, (28 personnes peuvent y dormir, mais il est beaucoup plus petit qu’Angelus Hut), est déjà bien rempli et sera presque plein au final. Cette dernière soirée ne sera pas vraiment calme. Un groupe guidé d’une dizaine de personnes occupe les lieux et ils ne sont pas vraiment familiers des randonnées ni des refuges (ils doivent faire Cascade Track dans le sens de la montée le lendemain, ça va être coton !). Mon drame du soir c’est de manger mes noodles en même temps que le groupe, dont les guides ont cuisiné de délicieuses pâtes aux légumes frais (après 4 jours de nourriture déshydratée, la vue d’un brocolis est un petit miracle). Le groupe a trop de nourriture et le guide me propose les restes mais j’ai fini mes nouilles et je n’ai plus faim (trop triste mon histoire). Je discute avec un jeune néerlandais qui entame le Travers-Sabine Circuit puis je vais me coucher.
Vendredi 15 janvier : l’aventure est presque finie. Je me lève tôt pour prendre mon petit-déjeuner tranquillement avant le groupe et je suis sur le chemin à 7h pour les dix derniers kilomètres qui me font longer le lac Rotoiti et me ramènent directement à la voiture.
C’est en fait la portion du chemin que j’avais évité le premier jour en prenant le bateau. Mon escapade au lac Angelus m’a permis de boucler le circuit parfaitement, alors que le Travers Sabine Circuit se termine théoriquement à quelques kilomètres du point de départ. Je marche vite en pensant au latte que je vais boire en arrivant à Saint-Arnaud et peu après 9h je pose mon sac dans la voiture et je fête avec moi-même mes 102km de marche de ces derniers jours. Je vais me poser un long moment dans un café pour un deuxième petit-déjeuner et pour donner un signe de vie à Victor :p.
Ensuite il faut prendre le volant pour 4h30 de route, ce qui n’est pas le plus fun. Mais rentrer à Christchurch pour retrouver Victor était une bonne motivation :).
Voilà une belle aventure qui se termine !
Bravo Estelle, le nombre de kilomètres parcourus est impressionnant, d’autant que le dénivelé n’avait pas l’air ridicule non plus ! Les changements d’ambiance dus à la météo sont assez fous (la photo du ruisseau avant/après est assez parlante)
Rassure-moi, tu avais bien une deuxième (voire une 3e) gourde ?
Finalement, tu ne nous dis pas si la rando en solo, t’as plu ? Vas-tu réitérer l’expérience ?
J’avais bien une deuxième gourde ;).
J’ai beaucoup aimé mon expérience de randonnée en solo. On va beaucoup plus vite tout seul au final et on hésite moins à faire des étapes plus longues (on a personne avec qui faire des pauses de toute façon). Par contre, en cas de coup de mou ou d’étape ennuyeuse, on est tout seul pour gérer (et dans ces cas là je me mets à parler tout haut pour me tenir compagnie).
Au final, j’ai aussi eu de la chance sur la météo : j’ai vu tous les beaux panoramas sous le soleil (ou presque), donc j’ai vraiment pu profiter du paysage. Je n’aurai peut-être pas eu le même ressenti sans cela.
Ca me dirait bien de recommencer mais je crois que Victor n’est pas prêt à me laisser repartir toute seule :p.
De très beaux paysages (pour changer), ça fait bien rêver !
Comme Cécile, je suis impressionné par tout ce chemin parcouru en solo, chapeau !